La lutte contre le harcèlement scolaire cache un paradoxe de l’école française : on prétend se soucier des élèves, sans réfléchir aux conditions dans lesquelles les élèves et leurs enseignant·es travaillent. Des exemples récents ont ému l’opinion publique : Nicolas, 15 ans, se donnait la mort à Poissy, la rentrée 2023 tout juste passée, dans Académie de Versailles ; le 12 mai 2023, Lindsay, une collégienne se suicidait dans l’Académie de Lille ; le 7 janvier 2023, Lucas, un collégien victime d’homophobie s’ôtait la vie dans l’Académie de Nancy-Metz. Pourtant, comme chaque année, la journée de lutte contre le harcèlement du 10 novembre avait été l’objet d’un certain battage médiatique mettant en scène la communication du ministère, comme pour la journée de lutte contre l’homophobie du 17 mai. Le chef de l’établissement où Lucas était scolarisé n’avait rien remarqué de particulier et l’on mesure l’utilité de la communication gouvernementale en l’absence de réelle volonté et de moyens mis à disposition. Le rectorat de Versailles avait quand même jugé bon de menacer les parents de Nicolas de poursuites s’ils cherchaient à rendre publique l’inaction de l’établissement où était scolarisé leur fils. Les enseignants, souvent soupçonnés aujourd’hui de laisser faire ce harcèlement, expriment souvent cette incompréhension : ils et elles ne voient rien ; le harcèlement passe sous les radars des adultes et les parents eux-mêmes, confrontés aux actes de leur enfant, refusent de reconnaître que l’enfant harcèle ou est harcelé.
L’école républicaine prétend encore avoir une mission émancipatrice de formation des futurs citoyens et citoyennes, malgré les injonctions du patronat à la professionnalisation précoce. Ce dernier refuse de prendre en charge cette formation et profite de la main d’œuvre à bas coût des jeunes apprentis, gratuite depuis que c’est la collectivité qui finance leurs indemnités.
Si l’on espère encore que l’émancipation est possible grâce à l’école publique, qui entend introduire les élèves à la citoyenneté sous tous ses aspects, on peut s’étonner que les personnels à qui est confiée cette émancipation soient eux-mêmes et elles-mêmes placés sous un joug administratif et hiérarchique toujours plus massif, qui affleure dans l’opinion à la faveur de quelques mouvements comme le #Pasdevague médiatisé en 2018, sous le ministère particulièrement amer de Jean-Michel Blanquer, ou lors du meurtre d’un enseignant, Samuel Paty, abandonné par sa hiérarchie et promis à des formations à la laïcité face aux mensonges d’une élève et de ses parents.
On sait le goût pour la communication politique des gouvernements successifs depuis l’ère de Nicolas Sarkozy au moins, accentuée sous le ministère de Jean-Michel Blanquer qui l’a érigée en art. Aussi ne s’étonnera-t-on que peu de la persistance du phénomène du harcèlement malgré les intentions affichées par le ministère (sa publicité obscène ?) et les formations promises (mais rarement concrétisées). Mais l’on peut aussi s’interroger autrement sur le problème, en termes systémiques, en y incluant les acteurs éducatifs, au risque de tomber dans la polémique : il faut constater que les personnels enseignants, les personnels de direction et les personnels d’inspection ne sont eux-mêmes pas à l’abris des préjugés (sexisme, racisme, homophobie, transphobie), et ils sont rarement formés à ces questions de manière systématique : seuls ceux et celles qui s’intéressent à ces sujets s’inscrivent à des formations liées à ces thématiques, dont la qualité est très aléatoire. Les associations de prévention invitées dans les établissements rapportent l’accueil mélangé qui leur est réservé parfois, voire les propos déplacés des personnels éducatifs sur place[1]. Ces associations ne peuvent intervenir que sur invitation d’un membre de l’équipe de direction ou de l’équipe pédagogique.
Autre aspect d’un système malade où le harcèlement scolaire n’est qu’un symptôme en fin de chaîne : la maltraitance institutionnelle organisée dans l’Éducation nationale, laquelle a embrassé sans broncher un mélange de néo management des organisations publiques et d’autoritarisme suranné, fabrique des personnels harceleurs et des personnels harcelés au sein même de leur institution et brise les liens de solidarité horizontaux.
Dans ce contexte, on ne s’étonnera donc pas de l’impact mitigé de l’école sur la lutte contre les discriminations et de ses difficultés à penser l’émancipation[2], quand les personnels sont eux-mêmes acteurs des discriminations… et quand ils les subissent et intériorisent le silence et le statu quo sur leur lieu de travail[3].
Autrement dit, peut-on attendre la formation à la citoyenneté de personnes qui sont elles-mêmes contraintes au silence et à la soumission ? La journée de lutte contre le harcèlement du 10 novembre ne devrait-elle pas aussi être aussi une journée de lutte contre le harcèlement subi par les personnels enseignants de la part de leur institution ?
Diviser pour mieux régner
En 1913, les Principles of Scientific Management de Taylor jetaient les fondements d’une nouvelle théorie qui allait guider le fordisme : séparer les tâches de planification de celles d’exécution, fragmenter le travail en confiant au travailleur ou à la travailleuse une seule tâche standardisée et enfin, réserver les tâches les plus “basiques” aux personnes les moins qualifiées et les moins payées. Les dangers de l’industrialisation que Marx décrivait dans Le Capital (précarité du travail, travail à flux constant, modèle du “marche-ou-crève”) sont devenus réalité à des échelles inouïes. Qui nous lit sera peut-être surpris·e que l’on rappelle, grossièrement, cela. Mais le néo management public, promu malgré ses ravages dans les administrations françaises depuis les années 1990, a des conséquences assez similaires sur le système public d’éducation.
Le fonctionnement hiérarchique aveugle, hérité d’un autre âge et que seule la Grande Muette qu’est l’armée connaît dans les mêmes proportions, a embrassé les principes de Taylor : la planification (des programmes, des enseignements, des évaluations) incombe de plus en plus aux personnels du ministère ou de l’inspection générale, tandis que les personnels enseignants endossent le rôle d’exécutants, auxquels on reconnaît de moins en moins l’expertise et la maîtrise de la situation d’enseignement face à leurs élèves. Ils et elles doivent se plier aux évaluations nationales à l’entrée du collège et du lycée, mesurer les « compétences » humaines de leurs élèves et entrer ces données dans des logiciels possédés par des firmes privées (Pronote). Le recours massif aux contractuels, corvéables et flexibles à merci, sans la certification requise (ce qui ne signifie pas qu’ils ou elles ne sont pas compétent·es), ainsi que la baisse des exigences disciplinaires dans les concours de recrutement des disciplines en déficit (lettres, mathématiques), contribuent à dévaluer le travail des titulaires et à créer des dissensions au sein du corps enseignant, de plus en plus atomisé : il y a ceux qui signent le pacte et ceux qui ne le signent pas, les contractuel·les, les certifié·es, les agrégé·es, ceux qui ont des heures supplémentaires (enjeu de taille pour compenser la perte de pouvoir d’achat) et ceux qui n’en ont pas, ceux qui reçoivent des indemnités et celles qui n’en reçoivent pas[4].
Le poids et le pouvoir de la hiérarchie administrative (personnels de direction) et pédagogique (personnels d’inspection) s’accroît à mesure que les réformes privent les syndicats de contre-pouvoir et que les enseignant·es acceptent par dépit ou résignation de se contenter du peu qu’ils et elles ont. Leur liberté pédagogique est surveillée, encadrée ; ils et elles sont placé·es dans une position de sujétion à leur hiérarchie et la didactique est instrumentalisée comme outil de terreur : il est facile d’accuser un·e enseignant·e de tous les maux sous prétexte de pédagogie et de réussite des élèves. Les parents d’élèves ne s’y trompent pas, lorsqu’ils contactent directement les chef·fes d’établissement ou les services d’inspection en cas d’interrogation sur un enseignement, plutôt que l’enseignant concerné. La pédagogie (ou prétendue pédagogie) devient alors l’instrument de terreur préféré pour contrôler et mettre au pas les jeunes recrues (toujours plus difficiles à trouver) : un·e enseignant·e gêne ? Il suffit de l’inspecter et de l’accuser d’être mauvais pédagogue, quitte à trouver quelques plaintes de parents d’élève sorties de leur contexte, sans droit de réponse. En début de carrière, les personnels d’inspection, les formateur.ices et parfois les tuteur.ices eux-mêmes contribuent à l’extorsion et à l’intimidation des jeunes impétrants, comme l’illustre le témoignage de Lou Garance avec son humour noir[5].
Alain Deneault fait remarquer qu’il est paradoxal de voir dans un contrat de travail un instrument d’émancipation (même si, pour les droits qu’il garantit, c’est une protection salutaire des salarié·es), puisque le contrat garantit aussi la soumission à la contrainte[6]. Cette remarque s’applique de manière tout à fait perverse au droit de la fonction publique et au code de l’éducation : les fonctionnaires n’ont pas affaire à un simple patron, puisqu’ils servent l’État (et idéalement, donc, le bien commun). Or, l’État est un employeur qui se remet très peu volontiers en question : les personnels de terrain, AED, AESH, enseignant·es, CPE, psy-EN ou infirmier·es scolaires[7], doivent rendre des comptes, vivent sous la menace de leurs chefs, et indirectement celle des parents se plaignant à leurs chefs, mais à qui les personnels de direction et d’inspection doivent-ils rendre des compte ?
Entre capo et société de cour
Rappelons un principe : « dans une hiérarchie, tout employé a tendance à s’élever à son niveau d’incompétence »[8] et reprenons donc l’exemple de l’Éducation nationale, domaine si central et dont la particularité est qu’il concerne tou·tes les citoyen·es et forme les générations futures. Le passage du sinistre Jean-Michel Blanquer, qui a sans doute gagné sa place dans le panthéon des ministres les plus honnis par ses personnels[9], a mis au jour avec acuité la caporalisation massive qui est à l’œuvre dans cette institution.
Les personnels de direction et d’inspection, dont le salaire, bien sûr, ne subit pas le même marasme que celui des enseignants[10], sont devenus les agents d’un contrôle autoritaire renforcé, où la vérification de l’exercice correct des missions d’enseignement sert de prétexte pour mettre au pas et faire taire les agents du terrain. La position n’est pas nécessairement confortable pour celles et ceux qui ont encore une conscience citoyenne, mais les avantages en nature et en reconnaissance institutionnelle – il n’est pas rare que ces gens se décernent des médailles et distinctions honorifiques entre eux – compensent l’inconfort qu’il y a à refuser à un·e enseignant·e syndicaliste une formation, à en muter un·e autre pour l’empêcher d’ancrer son engagement dans un territoire, ou à récompenser les jaunes pour leurs compromissions et délations. Personnels de direction et personnels d’inspection sont la plupart du temps d’anciennes et d’anciens enseignants – malgré la volonté de promouvoir des profils issus du management à ces postes depuis quelques années –, que leurs qualités pédagogiques ne prédisposent pas nécessairement à des métiers de gestionnaire et à l’exercice de l’autorité hiérarchique sur autrui (quand autrui n’est pas mineur)[11]. Le recrutement de ces personnes repose sur un savant montage destiné à masquer la cooptation derrière des épreuves de droit administratif et des entretiens professionnels de validation d’acquis – avouant en passant qu’un bon enseignant n’est pas forcément un bon inspecteur…[12]
Celles et ceux qui étaient essentiellement des gestionnaires et des courroies de transmission des décisions nationales sont progressivement devenues les petites mains assurant la violence de l’institution et l’expression de son pur arbitraire – les notes d’alerte envoyées sur les personnels, souvent à leur insu, ne donnent lieu à aucune contradiction possible, si bien que s’il ou elle le souhaite, un·e chef·fe, un·e inspecteur·trice parviendront toujours à juguler une personne rétive. Les compétences et l’engagement professionnels n’ont que peu à voir là-dedans et souvent les syndicats eux-mêmes sont contraints de renoncer à défendre les personnels pour éviter la confrontation et conserver leurs luttes sur les rares domaines où ils ont encore une marge d’action.
Cette caporalisation de l’institution, donnant toute la place aux « petit·es chef·fes », potentats locaux se prenant pour l’incarnation humaine de la République (et déniant la souveraineté partagée avec les autres agents), va de pair avec l’évolution du recrutement des personnels, comme nous le rappelions. Les fameux speed-dating organisés par divers rectorats pour recruter des enseignants contractuels ont fait parler d’eux. Le pacte annoncé par le ministre Pap Ndiaye, et les nouvelles missions accordées, outre les deux heures supplémentaires imposables pour nécessité de service, sont une autre manière de détourner l’attention.
Les enseignant·es contractuel·les sont peu protégés et vulnérables ; le concours de la fonction publique assurait en effet un minimum de neutralité dans le recrutement (pour éviter le népotisme) et vérifiait, certes imparfaitement, les compétences disciplinaires des futurs enseignants. Toutefois, dans l’indifférence presque générale, les réformes des concours ont contribué à affaiblir considérablement la part disciplinaire évaluée dans les épreuves de recrutement – en utilisant souvent les poncifs vagues et spécieux de la didactique : il s’agit alors d’apprendre par cœur des litanies de mots et techniques pédagogiques prônées par tel ou tel courant pédagogique, alors que les candidats (et souvent leur jury) n’ont aucune idée de la réalité des classes qui les attend, où ils devront de toute manière s’adapter et forger leurs propres outils, sans pouvoir compter généralement sur la qualité des formations en didactique et en pédagogie prodiguées par les INSPE. Or c’est bien la maîtrise disciplinaire qui fonde (fondait ?) la position et la légitimité de l’enseignant·e et c’est elle qui détermine l’efficacité des méthodes d’enseignement ; c’est donc le prérequis. Pourtant, on recrute actuellement des professeur·es de français sans vérifier leurs connaissances grammaticales et sans s’assurer qu’ils aient une connaissance solide de l’histoire de la langue française – l’ancien français, en tant que tel, a disparu du CAPES de lettres (arrêté du 25/01/21) –, mais on s’assure à nouveau depuis 2022, par un oral de « mise en situation professionnelle » que les personnes recrutées semblent conformes à leur futur emploi, sans s’inquiéter du paradoxe qu’il y a à vérifier a priori que des impétrants au métier d’enseignant aient déjà connaissance de la situation professionnelle qui les attend (ou faut-il les encourager à accepter des tâches sous-payées ?). On doute, bien sûr, que ce renouveau de la vaine épreuve « Agir en fonctionnaire éthique et responsable », connues des enseignants du début des années 2010, vérifie que les futurs enseignants et enseignantes savent réagir au harcèlement d’un·e collègue ou à une dénonciation calomnieuse d’élève couverte par la hiérarchie comme ce fut le cas avec Samuel Paty.
En vidant les concours de recrutement de leur contenu, on prive les futurs enseignant·es de la dignité de leur statut et donc de leur capacité à se défendre contre les abus de leur institution. On les prive, en quelque sorte, de leur outil de travail, en leur demandant d’assurer, bon gré mal gré, le maintien d’une école sans moyens et sans âme.
Un exemple pratique
Symptomatique de cette situation croissante d’infantilisation et de mise au pas des enseignant·es, un webinaire organisé par les inspecteurs pédagogiques régionaux en lettres, en octobre 2022 pour les trois académies d’Île de France et celle d’Aix-Marseille, concernait les épreuves de français au baccalauréat. Ces webinaires, quasi obligatoires, empêchent tout commentaire en ligne et contrôlent strictement les prises de parole ; durant trois heures, il s’agissait de rappeler aux enseignants que la maîtrise de la langue ne doit pas être un argument pénalisant pour l’évaluation des élèves (et assurer ainsi à la communication gouvernementale des résultats satisfaisants aux examens) ; les exercices formateurs que sont les commentaires et dissertations sont vidées de leur substance puisqu’il s’agit d’inciter les enseignants à considérer favorablement la paraphrase (c’est-à-dire le fait de restituer le contenu d’un texte plutôt que de l’analyser) et à valoriser l’emploi de la terminologie littéraire, même inapproprié (le name-dropping des communicants érigé au rang de savoir ?). Il a cependant été refusé de réduire le nombre de textes présentés à l’oral de français, malgré les demandes insistantes des enseignants qui ne comprennent pas comment ils peuvent (tenter de) transmettre les notions et les compétences d’analyse critique nécessaires aux exercices attendus… tout en préservant la quantité imposée, à volume horaire constant et avec effectifs croissants (comment aider 35 élèves, au niveau hétérogène, à progresser en analyse littéraire et en expression écrite ou orale ?).
Les discours officiels se gargarisent de mettre au programme des notions ambitieuses, de maintenir les attendus… tout en les vidant de leur sens. Et les personnels d’inspection sont chargés d’étouffer toute remise en cause de ces orientations délétères par les personnels de terrain. Les équipes pédagogiques s’épuisent à construire des projets pédagogiques que les chef·fes d’établissement utilisent comme des vitrines de communication et des instruments d’auto-promotion, gaspillant des heures de réflexion pédagogique et critique… (mal)heureusement non payées car en dehors du temps d’enseignement.
La lutte contre le harcèlement scolaire commence par l’émancipation des personnels d’éducation
Au terme de ce parcours peut-être méandreux, revenons à notre point de départ : pourquoi s’étonner de la persistance du harcèlement scolaire entre jeunes alors que l’institution qui les accueillent et les agents qui y travaillent (AED, AESH, enseignant·es en particulier) sont eux-mêmes maltraitants et maltraités ?
L’institution fabrique le consentement de ses agents à une violence silencieuse, à la mise au pas et à la méfiance. Les agents de l’Éducation nationale apprennent dès leur recrutement à ne pas se faire remarquer de leur hiérarchie administrative et pédagogique, quitte à briser les liens de solidarité au sein de leur corps professionnel. On trouvera des excuses (faute professionnelle, défaillance pédagogique ?) au traitement inique d’un·e collègue plutôt que de risquer de s’exposer à sa défense.
Le problème du harcèlement scolaire a de multiples ressorts, mais permettons-nous de récapituler certains aspects. Ces aspects nous paraissent importants et sont pourtant souvent négligés de la réflexion sur le sujet :
Osons penser une organisation plus collégiale et horizontale des établissements d’enseignement secondaire. Le rôle pédagogique des personnels y primerait sur le rôle gestionnaire et administratif des directions. La démocratie et la résolution de problèmes à l’échelle locale seraient ainsi favorisées, quitte à recourir à des médiateurs externes pour des situations difficiles. Les conditions de travail seraient garanties par des statuts nationaux et un concours de recrutement protecteur, avec un recentrage de l’enseignement sur des effectifs de classe à taille humaine, qui permette une plus grande attention aux élèves dans leur complexité et leur dignité individuelle. Tout cela contribuerait certainement à la prévention du harcèlement scolaire, effective et concrète, outre les mesures de sensibilisation et l’intégration de ce sujet dans la formation initiale et continue obligatoire des personnels enseignants, des personnels de direction et des personnels d’inspection.
La prévention du harcèlement scolaire passe donc par une remise en question du fonctionnement de l’institution et des rapports sociaux dans lesquels il prend place.
Grégoire Samson
Notes :
[1] Pour un témoignage récent et intime de ces situations de terrain, nous renvoyons au roman graphique de Garance Cocquart-Pocztar, La pluie et la lumière forment l’arc-en-ciel, éd. Petite nature, 2021 : https://editionspetitenature.fr/accueil/24-la-pluie-et-la-lumiere-forment-l-arc-en-ciel.html
[2] Nous renvoyons par exemple à la contribution d’Alaoui O. sur ce site : https://notrecondition.fr/2022/06/22/limpossible-emancipation/
[3] Pour des exemples édifiants du traitement que l’institution réserve à ses agents, nous renvoyons aux témoignages rassemblés sur le blog de Pierre-André Dionnet (https://faitestairecepetitprofbonsang.wordpress.com) ou aux planches de Remedium « Cas d’école » sur Médiapart (https://blogs.mediapart.fr/remedium/blog).
[4] L’opposition de genre est ici significative puisque les indemnités pour mission particulière (IMP), dont le versement est décidé par le chef d’établissement, concernent plus souvent les hommes que les femmes, alors que la profession est majoritairement féminine (la situation était dénoncée pour l’Académie de Reims dans le bulletin du syndicat SNES-FSU en 2021).
[5] Lou Garance, Chroniques noires d’un hussard de la république, éd. F. Deville, 2022.
[6] Alain Deneault, « Quand le management martyrise les salariés », Le Monde diplomatique, novembre 2018.
[7] L’Éducation nationale adore les sigles : AED, Assistant d’éducation (« surveillant »), AESH, Accompagnants d’Élèves en Situation de Handicap, CPE, Conseiller Principal d’Éducation, Psy-En, psychologue de l’Éducation nationale. Sur l’importance des AESH pour l’accueil des élèves porteurs de handicap, nous renvoyons au travail de Pierre-Étienne Rochefort sur YouTube (@pierre-etiennerochefort2371) https://youtu.be/3UihCmfvLOU.
[8] Principe de Peter, cité dans cette contribution : « Pourquoi les mauvais cadres continuent d’être promus », https://korii.slate.fr/biz/travail-bureau-pourquoi-mauvais-cadres-managers-continuent-promus-toxiques-principe-peter, 14.06.2022.
[9] Son passage coïncide en partie avec une dégradation accélérée des conditions de travail des personnels, comme le montre l’étude épidémiologique sur la qualité de vie au travail des fonctionnaires de l’Éducation nationale menée par la Fondation MGEN : une agravation rapide intervient à partir de 2015 et des conséquences sécuritaires des attentats, accentuée par la pandémie mondiale et l’assassinat de Samuel Paty, dans l’indifférence manifeste du ministère (« Qualité de vie au travail et fonction publique : il faut “prendre soin de ceux qui prennent soin” », L’Obs, 14.04.2023 ; pour les chiffres antérieurs, cf. Nathalie Billaudeau et Marie-Noël Vercambre-Jacquot, Enquête « Qualité de vie des enseignants » Principaux résultats descriptifs, 2014, https://www.fondationmgen.fr/wp-content/uploads/2017/02/Rapport_descriptif_QVE_VF_newlogoFili-1.pdf).
[10] Les salaires des personnels de direction et d’inspection ont été revalorisés dès 2021, dans des proportions sans commune mesure avec celles des revalorisations des personnels éducatifs (décret n° 2021-1510, JORF n°0271 du 21 novembre 2021).
[11] Nous n’entrerons pas ici sur les problèmes de la notion de « minorité » et renvoyons à l’intervention de Tal Piterbraut-Merx à l’ENSBA le 28.04.21 (et à son œuvre interrompue trop tôt) : https://www.youtube.com/watch?v=xF6gSxKU7Zg.
[12] Concours de recrutement des inspecteurs d’académie – inspecteurs pédagogiques régionaux, rapport du jury de la session 2015, p. 6.