Cortège Culture et recherche, en février 2020, temps fort de la contestation contre la réforme des retraites. Ici à Strasbourg.
Argumentaire produit par le Groupe Archéo En Lutte – Alsace au début de l’année 2020, durant le mouvement social qui a vu sa création, et édité jusqu’au passage complet de la Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche (LPPR), finalement adoptée le 20 novembre 2020 et promulguée le 24 décembre 2020 sous le nom de Loi de Programmation de la Recherche (LPR).
Pour une Dés-excellence des universités !
L’archéologie est un domaine de recherche dont l’objectif est l’étude du patrimoine et des sociétés du passé. Cette discipline enseignée à l’Université rassemble des chercheurs dont les conditions de travail sont de plus en plus liées aux logiques de marché. Ces dysfonctionnements minent la formation des futures archéologues tout en détériorant la qualité de la Recherche.
Une formation universitaire au rabais
Par manque de moyens (non-renouvellement, dotations en baisse des instituts et des facultés), les nouvelles générations d’étudiant.e.s inscrit.e.s en archéologie sont mal préparées aux réalités du terrain (cadences, condition de travail, méthodes, logistique, précarité, etc.).
La solution du master pro proposée par certaines universités n’a tendance qu’à conforter une vision de l’archéologie à deux vitesses, à savoir : la recherche pure pour ceux qui réussissent à être de bons élèves du système concurrentiel et ceux qui, voulant faire du terrain, resteront cantonnés le plus souvent au poste de technicien de fouille. De plus, c’est permettre aux entreprises du préventif de faire des économies sur le dos de l’Université puisque c’est elle qui assure dès lors la formation technique des étudiants. Il ne s’agit plus de former des archéologues complets, mais des demi-archéologues !
Même constat pour les doctorant.e.s. Le manque de financements alloués aux thèses de recherche et les concours vers un poste de doctorant.e contractuel.le plongent ces chercheurs.euses en devenir dans une précarité massive, comme ils l’ont été tout au long de leurs études. Beaucoup sont obligé.e.s de travailler pour financer leur thèse et il leur est alors impossible de tenir les délais imposés qui sont de plus en plus courts et inadaptés aux SHS. La pression des laboratoires et la course aux publications rendent en insoutenable ce climat. Des années de travail qui se soldent bien souvent par un abandon de la thèse et un gaspillage pur et simple !
Enfin, la formation universitaire des futur.e.s archéologues est directement touchée par les différentes réformes de l’ESR. Après Parcoursup et la hausse des frais d’inscription pour les étudiants étrangers, ils feront directement les frais de la casse du service public de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (ESR). Avec les réformes qui touchent l’ESR, en plus de celle des retraites, c’est leur formation et leur avenir qui sont directement menacés !
Suppression massive de postes
Ce sont 3000 réductions de postes en 10 ans : tel pourrait être le constat alarmant des chercheurs.euses du CNRS qui pourtant est beaucoup plus désastreux (Rapport du CoNRS, 16 septembre 2019). Entre 2007 et 2016 les personnels permanents du CNRS ont diminué de 1350. Faute de moyens engagés, l’ESR comptabilisa près de 50 000 emplois précaires en 2014 et une situation critique de l’emploi pérenne, étiolée par le non-renouvellement des départs à la retraite des chercheurs et des ITA.
Les hôtels à projets que sont devenues les UMR participent directement à ces dérives : les statutaires et les jeunes chercheurs.euses (précaires) fuient les responsabilités collectives, au profit d’une individualisation de la recherche rentable à court terme, mais qui n’est pas en adéquation avec la profondeur temporelle de nos problématiques !
La loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) : « une loi inégalitaire, vertueuse et darwinienne »
Cette casse de l’ESR ne va que s’aggraver avec la LPPR, en lui appliquant une compétitivité économique et des logiques concurrentielles :
– Une concentration des moyens selon des logiques managériales de « l’excellence »
- Moins de financements publics.
- Plus de contrôle hiérarchique dans une logique productiviste et augmentation du poids de l’évaluation des chercheurs et des laboratoires (HCERES notamment) pour moduler les crédits alloués aux laboratoires.
- Augmentation des financements par projets et renforcement du poids de l’Agence nationale de la recherche (ANR).
- Primes de performance ou d’engagement conditionnées par l’évaluation individuelle des chercheurs.euses.
Ces réformes auront pour conséquence d’accroître la logique de concurrence non seulement entre les structures (universités, les laboratoires), mais aussi entre les chercheurs.euses. Elles accentuent la constitution de grands laboratoires d’ « excellence » et la sélection accrue des chercheurs.euses selon leur productivité, c’est-à-dire une normalisation de la pensée critique et des méthodes scientifiques.
– Une dévaluation de l’enseignement
- Fin du statut d’enseignant.e chercheur.euse et de chercheur.euse au profit de contrats précaires : « contrats de missions scientifiques », CDD ou « CDI-chantier » limités à un projet.
- Augmentation de la charge de travail des enseignant.e.s chercheurs.euses avec la disparition du seuil des 192h d’enseignement qui limitait la surcharge de travail, au profit d’une évaluation en crédits ECTS.
- Diminution massive du recrutement de titulaires, vers la suppression du corps des maîtres de conférences et des chargés de recherche. Donc précarisation massive des jeunes docteurs.
- Une contractualisation qui touche aussi les personnels BIATSS et ITA en augmentant leur temps de travail.
En d’autres termes, moins de marge de manœuvre, une baisse de l’innovation, une bureaucratisation pesante, la perte inévitable de qualité de l’enseignement et de la recherche, sans oublier les conflits des investisseurs entre universités, attirés pour solutionner lamentablement le sous investissement public. En résumé, un formatage de la recherche suivant les normes managériales.
Cette baisse de la qualité de l’enseignement impactera directement les étudiant.e.s : les enseignant.e.s précaires n’auront pas la possibilité de mener des projets de recherche (des chantiers de fouille par exemple) et ne pourront donc pas alimenter leurs cours avec leurs propres travaux de recherche. De plus, la multiplication des contrats précaires et la suppression des postes statutaires ne permettront aucune continuité pédagogique au sein des équipes d’enseignant.e.s.
La recherche comme le savoir ne sont pas des marchandises et ne peuvent répondre aux injonctions à la performance. Rejetons leurs logiques, soyons solidaires !
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