Toujours en train de se battre pour garder les quelques miettes que l’on a déjà, jamais de temps pour proposer, pour rêver un peu, pour faire le point sur les vrais problèmes. Alors lançons-nous : quelle formation en archéologie voulons-nous à l’université ? Quelques pistes…
Au préalable
Évidemment, certains problèmes ne sont pas spécifiques à la formation en archéologie. Les deux principales difficultés que nous rencontrons à l’université sont d’une part le manque de personnel titulaire et d’autre part la précarité étudiante. Et ce sont bien ces deux éléments qui portent préjudice à la formation puisque les étudiants sont mal suivis et qu’ils n’ont pas le temps pour étudier (travail salarié contraint, condition de logement, etc.). Le recrutement massif de titulaires et la mise en place d’un salaire étudiant règleraient donc en grande partie ces problèmes. Il serait également souhaitable que les étudiants (appelés les « usagers » à l’université) soient davantage représentés dans les instances. On ne peut que déplorer une certaine passivité de leur part.
Celle-ci est sans doute due au fait qu’ils manquent de temps, que depuis Parcoursup ils ne choisissent plus vraiment leur orientation ou aux angoisses vis-à-vis du futur. Mais peut-être aussi à une organisation des universités très verticale, voire paternaliste, qui ne favorise pas l’implication des étudiants dans leur formation.
Échanges ponctuels de poste
Une des spécificités de l’archéologie par rapport à d’autres disciplines enseignées à l’université réside dans la pluralité de ses métiers. En effet un archéologue peut travailler dans l’enseignement supérieur (enseignant-chercheur à l’université), dans la recherche (chercheur au Cnrs), dans l’archéologie préventive publique (inrap ou collectivités territoriales), dans l’archéologie préventive privée, au sein des Services régionaux d’archéologie (Drac), dans la médiation, dans les musées, etc. Tous ces archéologues font généralement à la fois de la recherche (études, publications, colloques, etc.), de la formation, du terrain, des tâches administratives, etc., mais dans des proportions très différentes et sous des formes également différentes. Et malgré la très grande interdépendance de ces métiers qui s’autoalimentent et s’autocontrôlent, il y a une certaine défiance, parfois des tensions entre ces différentes positions.
Des systèmes d’échange provisoire entre les métiers pourraient être envisagés (une sorte de vis ma vie entre archéologues). Cela pourrait d’une part désamorcer ces tensions mais cela serait également extrêmement bénéfique pour les étudiants qui seraient alors formés aussi par des professionnels issus de différents métiers.
Collaboration avec d’autres formations
Une autre des particularités de l’archéologie est qu’elle repose sur des sources matérielles très souvent issues d’un travail artisanal. Or, l’organisation de nos systèmes de formation qui distinguent cursus intellectuels et cursus manuels pose évidemment problème. Nous ne faisons pas référence ici à la pratique de terrain qui fait partie intégrante de la formation en archéologie (même si sa forme pourrait aussi être critiquée), mais bien à la pratique artisanale et à la réflexion nécessaire induite par cette pratique et dont nous avons besoin.
Pourquoi ne pas envisager des collaborations avec des formations en apprentissage (bois, pierre, construction, céramique, boucherie, cuisine, etc…) au sein de nos universités ? À l’inverse, des apprentis pourraient suivre des formations sur l’histoire de leur artisanat.
L’université mériterait d’être plus ouverte à la formation continue à la fois pour les professionnels, qui pourraient régulièrement « y retourner » dans le cadre de projets spécifiques, mais aussi aux amateurs qui ont joué et jouent encore un rôle important en archéologie.
Réunion de docteurs de l’université de Paris, XIVe siècle. Bibliothèque nationale de France. © Domaine public
Formation continue
Enfin, l’université mériterait d’être plus ouverte à la formation continue à la fois pour les professionnels, qui pourraient régulièrement « y retourner » dans le cadre de projets spécifiques, mais aussi aux amateurs qui ont joué et jouent encore un rôle important en archéologie.
La relation complexe entre amateurs et professionnels, entre archéologie locale et archéologie « d’État » mériterait sans doute d’être apaisée à travers l’ouverture de l’université à la pluralité des pratiques archéologiques.
Camille Nous